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Informations syndicales et luttes

Débat avec Henri Maler, fondateur 
de l’association Acrimed, Patrick Kamenka, représentant de la Fédération européenne des journalistes et Véronique Marchand, journaliste, secrétaire générale du SNJ-CGT France Télévisions


Pourquoi les médias sont-ils si unanimes contre les mouvements sociaux ?
Journalistes et éditocrates : une hostilité variable

Par Henri Maler, fondateur 
de l’association Acrimed


Pour ne pas être trop schématique, il faut distinguer selon les médias et selon les journalismes. Les chefferies éditoriales, chroniqueurs et éditorialistes des « grands médias », parce que ce sont les médias des alternances sans alternative entre la gauche et la droite, soutiennent peu ou prou les réformes gouvernementales ou les mesures patronales, même lorsqu’elles sont outrageusement défavorables aux salariés. Nettement enregistrée chez les éditorialistes, l’hostilité aux mouvements sociaux prend d’autres formes non dans les commentaires, mais dans les informations ou prétendues informations : en vérité une sous-information lamentable et parfaitement antidémocratique.

Sur quoi la plupart des journalistes des télévisions et des radios peuvent-ils prétendre avoir informé puisque presque aucune information sérieuse n’a été donnée, notamment dans les journaux télévisés, sur la nature des réformes proposées, qu’il s’agisse de celle de la SNCF ou celle du régime des intermittents du spectacle, ni sur les motivations des grévistes ou encore sur les contre-propositions faites par les différents acteurs organisés de ces mobilisations sociales. La demande de la CGT cheminots ou de SUD rail d’un débat avec la secrétaire d’État aux Transports sur la réforme ferroviaire a reçu une fin de non-recevoir.

Certes dans la presse écrite, on a pu trouver quelques tentatives de décryptage mais presque rien à la radio et à la télévision, qui sont les médias de plus large audience. Cette hostilité, ne serait-ce que par défaut quand elle vient des journalistes d’information, n’est pas nécessairement intentionnelle, mais elle est fonctionnelle : elle repose sur la recherche de la plus grande audience au moindre coût et dans le ressassement, à grand renfort de micros-trottoirs, des désagréments provoqués par la grève, au détriment de tout le reste.

Le comble a été atteint avec la marée de reportages et de micros-trottoirs sur la grande angoisse des lycéens de ne pas pouvoir rejoindre leurs centres d’examens, alors que, selon certains comptages, seulement 8 % des lycéens prenaient le train. Des micros-trottoirs sont parfois concédés aux cheminots, non sans préjugé de classe, comme si les cheminots et leurs syndicats n’avaient rien à dire et comme s’ils pouvaient s’expliquer en quelques secondes. L’hostilité d’ailleurs n’est pas systématique. Le mouvement des « bonnets rouges », par exemple, a bénéficié d’un traitement que je ne qualifierais pas de favorable mais qui faisait largement état de leurs motivations et aspirations.

On peut remarquer également que l’attitude n’est pas tout à fait la même selon qu’il s’agit du mouvement des cheminots ou de celui des intermittents du spectacle. Sans doute parce qu’une partie du lectorat de presse écrite est fortement attachée à la culture et à la création. Et à la différence d’ailleurs de ce qui s’était passé en 2003 où l’hostilité avait été quasiment générale, les médias ont, cette fois-ci, adopté une attitude un peu moins malveillante (et parfois même bienveillante) vis-à-vis des intermittents.

Cela changera peut-être si le Festival d’Avignon est annulé ! On voit là que les proximités sociales entre les journalistes et certains mouvements sociaux font parfois qu’ils ne sont pas traités avec le même degré d’hostilité. Mais le journalisme d’enquête sociale est tellement misérable que les préjugés des nouveaux chiens de garde de l’éditocratie infusent un peu partout !

Un système médiatique dépendant de grands groupes privés

Par Patrick Kamenka, représentant de la Fédération européenne des journalistes


Le rôle des principaux médias dans la lutte menée par les cheminots et les intermittents du spectacle reflète un processus d’idéologisation visant à convaincre l’opinion publique qu’au-delà du néolibéralisme, il n’est point de salut, et que le syndicalisme de lutte est un concept ringard.

Les chiens de garde, tels que les décrivait Nizan, sont les fantassins de ce système médiatique dont ils partagent avec les décideurs politiques et économiques les mêmes valeurs. La lutte des cheminots pour la défense du service public de la SNCF ou celle des intermittents pour la culture entrent en collision directe avec les puissances d’argent. Leurs relais dans les médias suivent ainsi naturellement les rebonds des courbes du CAC 40 plutôt que les mouvements sociaux de salariés et leurs syndicats qui refusent la seule logique de l’austérité prônée par une Europe repliée sur le concept de la concurrence libre et non faussée.

Mais hormis cette médiacratie comment comprendre que le système semble marcher comme un seul homme dans le sens des idées dominantes ? Les 37 000 journalistes encartés seraient-ils tous aux ordres ? La réalité est plus complexe. Le système médiatique en France, comme dans la plupart des pays de l’UE, dépend de groupes multinationaux multimédias – globalisation oblige – et de banques. Nos « capitaines » d’industrie (Lagardère, Dassault, Bouygues, Arnault) détiennent une majorité de médias – tous supports confondus –, la rentabilité et la financiarisation constituant leurs critères et leur logique avant celle des contenus qualitatifs. Orwell n’est pas loin. Car ce sont eux qui donnent la ligne de leurs rédactions via les cadres intermédiaires.

Face à cette situation, les syndicats de journalistes ne sont pas restés l’arme au pied et ils ont lancé l’idée d’une proposition de loi pour rendre les rédactions indépendantes des actionnaires des grands groupes. Mais c’est resté lettre morte, comme sont oubliées les promesses du candidat Hollande sur la protection des sources des journalistes. Ne dit-on pas que l’actuel chef du gouvernement, alors ministre de l’Intérieur, s’est opposé à l’examen de ce projet par la représentation nationale ? Plus concrètement, sur le thème social, comment ne pas s’étonner du traitement caricatural de ce sujet quand on sait que, hormis dans quelques rares médias, les rubriques sociales ont disparu ?

À cela s’ajoute, comme dans de nombreux secteurs économiques, les réductions drastiques d’effectifs, le fameux « faire plus avec moins ». Mais aussi la précarité (CDD à répétition, pigistes taillables et corvéables à merci) : un quart des journalistes en France sont dans un statut précaire. Cela entraîne le phénomène du « journalisme assis » avec des rédactions qui sont de moins en moins sur le terrain. La concurrence mortifère des chaînes en continu, avec le développement du spectaculaire qui le dispute à une information sûre et vérifiée, conduit à ces couvertures où le superficiel, les micros-trottoirs l’emportent sur les questions de fond, par exemple ici, sur les raisons d’une grève, sur les propositions des syndicats, etc. C’est pourquoi, les salariés de la SNCF avec leurs syndicats avaient proposé l’organisation d’un débat public à France Télévisions…

En vain. « Avec la phase du néolibéralisme, la classe dominante tente par tous les moyens, idéologiques, politiques et médiatiques de transformer en ennemis les agents sociaux les plus pauvres, les plus déstabilisés par la précarisation du travail », écrivent dans leur livre, la Violence des riches, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. À méditer.

Le rouleau compresseur de la pensée unique
Véronique Marchand, journaliste, secrétaire générale du SNJ-CGT France Télévisions


La section SNJ-CGT de France Télévisions a déjà eu l’occasion de dénoncer le traitement partial de certains conflits sociaux dans les éditions d’information nationale du groupe. En décembre 2012, nous avions déploré que reportages et interviews s’intéressent davantage au sort de quelques pots de fleurs et écrans TV renversés dans les locaux de PSA Poissy, plutôt qu’aux 1 500 suppressions d’emplois supplémentaires dont l’annonce avait provoqué la colère des manifestants. La première question posée alors dans le JT au délégué CGT était de savoir s’il regrettait les débordements ! Idem en 2009, lors de la lutte des Continental contre la fermeture de leur usine de Clairoix : le présentateur demandait d’abord au délégué CGT s’il regrettait les dégradations à la sous-préfecture de Compiègne. La semaine dernière, c’est la section CGT du siège de France Télévisions qui dénonçait le traitement inéquitable des grèves à la SNCF : plein feu sur la gêne pour les usagers mais peu d’information sur les motifs de la grève et pas de mise en perspective sur l’ouverture du rail à la concurrence décidée par l’Union européenne.

En l’absence de statistiques rigoureuses sur le traitement de tous les conflits sociaux dans l’audiovisuel en général et à la télévision publique en particulier, les exemples sont pourtant nombreux qui illustrent une dérive du traitement informatif des conflits sociaux, confinant, dans certains cas, à la « criminalisation des manifestants ». Encore faut-il sans doute différencier le traitement national et régional (les journaux de France 3 et ceux des stations d’outremer). Encore faut-il aussi s’interroger sur le type de conflits traités : les « violences », quelle que soit leur nature, ne sont pas toujours stigmatisées de la même manière. Les raisons du mouvement des « bonnets rouges » ou des Manifs pour tous ont, elles, été largement exposées dans les JT nationaux ! Y a-t-il une « main invisible » qui imposerait un traitement partial, antigréviste, antisyndicaliste, anti-ouvrier, antimouvement social ? Certains critiques des médias ont déjà répondu, enquêtes à l’appui (cf. les Nouveaux Chiens de garde). En tout cas, dans l’audiovisuel, les conditions de fabrication de l’information autorisent les suspicions :

– quand les journalistes chargés des reportages ne peuvent assister eux-mêmes aux conférences de rédaction et que le débat éditorial n’a pas lieu ;

– quand la commande passée par le supérieur hiérarchique est balisée, imposée et souvent inspirée par la lecture matinale de la presse ou le visionnage des chaînes 
tout info ;

– quand les différents éléments qui composent un reportage sont répartis entre plusieurs journalistes,

– quand les méthodes managériales favorisent la docilité, notamment pour les journalistes précaires ou ceux qui espèrent une promotion ;

– quand l’argument des contraintes économiques et financières prive les journalistes du temps de préparation nécessaire pour s’informer par eux-mêmes ;

– quand la course à l’audience entre éditions d’info impose de sortir un sujet même bâclé, même incomplet ;

– quand l’obsession de l’Audimat privilégie un traitement de l’info supposé fédérateur,

– quand satisfaire le plus grand nombre, c’est mettre en exergue le plus petit dénominateur commun et flatter la fibre populiste ;

– quand on prétend savoir ce que veut voir et entendre le téléspectateur…

Et si on y ajoute l’autocensure en matière d’initiative personnelle, le formatage « proposé » par la plupart des écoles de journalisme, voire une certaine évaporation de la culture générale, on se demande comment les journalistes de terrain peuvent s’armer pour résister au rouleau compresseur de la pensée unique ! Pour un journaliste, quel que soit son niveau de responsabilité, il doit en aller des conflits sociaux comme du reste, si l’on en croit Albert Londres qui affirmait : « Un journaliste n’est pas un enfant de chœur et son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »

DÉSINFORMÉS CONTRE LA GRÈVE

Selon le site Acrimed.org, le Parisien- Aujourd’hui en France affichait en une le 17 juin : « 3 Français sur 4 contre la grève », ajoutant en commentaire : « Notre sondage montre qu’une très grande majorité de Français ne comprennent pas ce confl it ». Comme si « une très grande majorité de Français » prenaient le train et alors même que « 34 % des Français connaissent les revendications des syndicats ».
Le film Les nouveaux chiens de garde d'après Serge Halimi, réalisé par Gilles Balastrade et Yannick Kergoat (extrait) :


Les "Nouveaux chiens de garde" / Les 10... par Nouveaux_chiens_de_garde

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[Fr] Perspective communiste, blog francophone ayant pour vocation le partage d’informations nationales et internationales. De proposer des analyses marxistes de l’actualité et du débat d’idée. Ainsi que de parler de l’actualité du Parti Communiste Français et du Mouvement des Jeunes Communistes de France.

[Cat] Perspectiva comunista, bloc francòfon dedicat a compartir informació nacional i internacional. Oferir anàlisis marxistes d’actualitat i debat d’idees. A més de parlar de les notícies del Partit Comunista Francès i del Moviment de Joves Comunistes de França.

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